Djiordanne

Elle est assise en face de moi, et tourne la tête régulièrement vers Djiordanne, son fils - j'ai évidemment changé son prénom, mais j'en ai gardé l'orthographe improbable. Un amour de gamin sous ses tresses afro, du genre à faire les pubs Petit Bateau. Elle m'explique qu'elle a peur que Djiordanne soit en retard, qu'il a peut-être besoin de prendre des cours à côté. Sa grande fille Mina, qui est en CM1, aide parfois Djiordanne à faire ses devoirs, parce qu'elle s'y prend mieux. Au moins elle, elle ne crie pas. Mais quand même, il confond certaines lettres. "Lesquelles il confond, Mina, déjà ?".

Et j'explique, moi, que tout va bien pour lui en classe, qu'il n'a aucun problème en lecture et qu'il fait même partie des élèves qui tirent les autres vers le haut. Je raconte ses yeux qui brillent quand je lis une histoire, sa passion pour les vers à soie.

Elle sourit, presque tristement. "C'est vrai que je lui en demande trop, peut-être. Mais je me fais toujours du souci. C'est parce que moi je suis tellement pas douée".

Je n'ai pas osé répondre: "mais pourquoi est-ce que vous dites ça ?". Je ne pouvais pas lui dire qu'elle avait 3 gosses adorables, qu'elle m'avait sauvé la vie il y a 2 mois en nous venant aider la classe à faire de la peinture et de la cuisine pendant une demi-journée complète, et qu'elle s'apprêtait à se fader des dizaines d'accompagnements à la piscine, avec le sourire.

Pas douée. Combien de profs lui l'ont dit ? Et combien de mes élèves le diront à l'instit de leur gamin ?