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17 novembre 2013

Antoine

400coups

 "Je suis la mère d'Antoine", elle m'avait dit le premier jour de classe à 11h et demie. Maigre et pas belle, pleine de tics, une bête traquée. "Et comment ça va avec Antoine en classe ?". Elle m'a posé la question pendant 6 mois, pratiquement tous les jours. Parfois elle avait du gris jusqu'au milieu des joues, tellement ses cernes lui mangeaient la figure. Elle se glissait contre le portail de l'école, me faisait signe et je me disais : "c'est aujourd'hui qu'elle fait un scandale".

"Bonjour oui je voulais vous voir pour Antoine je voulais vous demander ça se passe comment en classe parce que nous avec mon mari on a un petit souci avec Arthur parce qu'il le cherche Antoine et nous on veut pas de ça parce qu'Antoine il va péter un câble parce qu'à midi il voulait plus revenir à l'école moi je peux pas accepter ça".

"Bonjour c'était pour vous dire qu'Antoine il viendrait pas à la piscine parce qu'il a une bronchite et puis j'ai pas dormi de la nuit donc je l'emmène là maintenant et il reviendra pas cet après-midi".

"Bonjour alors là Antoine il veut pas faire ses devoirs alors est-ce que vous pourriez lui parler ?"

A côté de sa mère, Antoine regardait ses baskets. Il foutait le bordel en classe et racketait les copains dans la cour, mais il avait réussi le miracle d'être mignon malgré les parents qu'il se payait. Son air d'enfant de choeur lui évitait régulièrement que je le passe par la fenêtre, et avait probablement le même effet sur les autres élèves, qui se laissaient manipuler en échange d'un sourire ou d'une blague de Toto racontée à l'oreille. Une vraie teigne aux yeux tristes.

Un matin, la mère d'Antoine est montée frapper à la porte de la classe vers 8h, toute seule. Elle m'a dit qu'Antoine allait probablement être placé dans une famille d'accueil. Elle voulait aussi savoir ce que j'avais dit à l'assistante sociale qui m'avait contactée plusieurs semaines plus tôt. Elle ne pleurait pas, elle était seulement plus nerveuse que d'habitude. "Son père et moi on lui a dit qu'on allait tout faire pour le récupérer". On ne m'avait pas appris à l'IUFM ce qu'il faut dire quand une folle vous annonce qu'on va lui enlever son gosse.

Ca a sonné, les élèves sont montés en classe, Antoine avait déjà affranchi tout le rang sur le thème : "je vais aller dans une autre famille". Il n'a pas été plus pénible que les autres jours, ou alors c'est moi qui avais augmenté mon seuil de tolérance.

Une semaine plus tard, j'ai mis ses cahiers et ses dessins dans son cartable, les enfants lui ont dit au revoir, et il est parti avec sa mère.

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Commentaires
F
En gros c'est ça effectivement. Je suis toujours choqué par les chiffres des violences sur enfant en France.....
C
Oui, bien sûr, je pars du principe que les services sociaux font correctement leur boulot. Mais c'est quand même violent. Et ce qui est violent par-dessus tout, c'est que ce gosse est cerné par la violence : celle de la situation familiale, et celle de l'arrachement à la situation familiale.<br /> <br /> Dans ces cas-là, je me dis toujours "putain, quelle bonne mère je fais, finalement...".
F
il vaut mieux ça que de finir étranglé dans un coin.......Mais bon pas évident c'est sur
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