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Ceci dit
10 février 2012

Si tu te fais remarquer, c'est par ton travail

La gestion de classe. Vaste programme. Ca m'inquiétait avant de devenir instit, et ça ne s'est pas arrangé quand plusieurs formateurs m'ont dit "dis donc, ils font vraiment trop de bruit, tes élèves". Ben oui, j'y arrive mal, et ça me rend passablement malade.

J'y pense énormément, en regardant mes propres gamins et ceux des autres, en lisant des bouquins de pédagogie qui parlent de "travail en atelier différencié" (oui, mais comment je fais pour que ce ne soit pas le bordel intégral dans les ateliers où je ne suis pas ?), en écoutant d'autres instits qui parlent de leur métier.

Il faut dire que c'est plutôt tabou ; les instits sont réputés gérer leur classe, et pour ceux dont il est notoire que ce n'est pas le cas, on évite le sujet avec un air gêné quand ils sont là, et on en parle sans se gêner quand ils n'y sont pas. Je ne sais pas pourquoi c'est si honteux, d'ailleurs, alors que plein de profs avouent sans problème ne rien connaître en informatique ou détester l'EPS.

Enfin si, il y a quand même une raison : le calme, c'est la condition pour que les élèves se mettent au travail. Donc une classe agitée est une classe où les élèves n'apprennent rien. A ce titre, j'ai d'ailleurs un handicap personnel : je travaille sans problème au milieu du bruit et en étant souvent dérangée. J'ai donc du mal à me mettre à la place des élèves qui ont besoin de silence, et je pense que mon niveau de tolérance au boxon est plutôt élevé à cause de ça.

Ceci dit, j'ai compris quelque chose récemment : dans les classes où on entend les mouches voler, le silence ne tombe pas du ciel. MilliSidi est cette année dans une classe de ce genre ; son instit est en fin de carrière et il a la réputation d'avoir des classes hyper tenues.

Or, à la maison, il se trouve que MilliSidi passe l'essentiel de son temps à jouer à la maîtresse. L'année dernière, c'était la version Peace & Love : "(petite voix) aloooors, les enfants, vous allez vous asseoir, et je vais vous lire une histoire. Milan s'il te plaaaaiiiit, reste assis avec les copaaaiiiiins". Cette année, c'est Apocalypse Now : "(hurlements) MILAN, C'EST LA DERNIERE FOIS QUE JE TE LE DIS, TU TRAVAILLES TRES MAL AUJOURD'HUI". Et mon préféré : "SI TU TE FAIS REMARQUER, C'EST PAR TON TRAVAIL".

Je note d'ailleurs que l'instit en question ne porte pas de jugement de valeur sur les gamins : il gueule, mais sans les humilier. Pas de "tu es fainéant", etc. Oui mais il gueule. Sans doute beaucoup, en tous cas beaucoup plus que l'instit de l'année précédente. Et certains gamins (sans doute pas les plus turbulents) ont l'air d'avoir peur, d'aller en classe à reculons. Sans compter que les parents n'approuvent pas nécessairement : le mythe de l'instit IIIe République ne les fait pas forcément rêver.

Et moi, je n'ai pas envie de ça. D'abord je ne suis pas sûre que je saurais faire, je ne serais sans doute pas assez cohérente avec moi-même pour les tenir comme ça. Et puis surtout je ne veux pas de cette ambiance-là. Je trouve que je crie déjà beaucoup trop ; et au bout d'un moment, les gamins comprennent que, si la maîtresse ne hurle pas, ça veut dire que ce qu'elle dit est sans importance.

Il faudra donc essayer autre chose. "Des séances bien construites", aurait dit un formateur. Oui, il faudra sûrement prendre le problème à l'envers : ne pas considérer le silence comme une condition, mais comme une conséquence. Si ce qu'on propose aux enfants tient la route, ils travaillent ; et inversement. Je l'ai d'ailleurs expérimenté avec les jeux de calcul mental d'Ermel : ça pourrait être un bordel monstre (des petits groupes un peu partout, plein de matériel pas très solide, des conflits entre élèves pendant le jeu...), et pourtant ça marche, y compris pour les plus turbulents, y compris pour les plus effacés.

Avec tout ça, j'ai assez envie de baisser les bras avant de les avoir levés : il est peu probable que mes séances se mettent miraculeusement à être bien construites. Mais ça a au moins l'avantage de déplacer le problème : il ne s'agit de mon autorité ou de ma manière d'être, mais des activités que je propose aux élèves. C'est par mon travail que je me ferai remarquer, quoi...

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Commentaires
M
J'ai découvert ton blog grâce à celui de Bellzouzou. J'aurais pu écrire mot pour mot ce que tu as écrit. Je suis moi aussi une instit qui a une classe bruyante, qui touve qu'elle crie déjà beaucoup trop et qui n'a pas envie de le faire plus... C'est rassurant de savoir que je ne suis pas seule...Depuis quelques temps, je mets systématiquement un atelier peinture ou pâte à modeler et cela semble aider à diminuer le niveau sonore de la classe, probablement car cela plaît beaucoup aux enfants...
B
sinon: madame ceci dit, tu es taguée! bon courage.
B
Amélimélo, on se connait, toi & moi, dans la vraie vie, je crois!
A
Très intéressant cet article. Je suis assez d'accord avec le côté "tabou" dont tu parles. D'ailleurs souvent quand on ose dire aux collègues qu'on a des difficultés avec tel ou tel élève, on en trouve toujours un (ou plutôt une, de préférence en fin de carrière) pour nous laisser entendre que ce genre de choses ne lui arriverait pas :-( Même si j'ai rencontré quand même beaucoup de collègues sympas qui m'ont donné de très bons conseils.<br /> <br /> Malgré ma courte expérience, j'ai quand même noté certaines choses : <br /> <br /> - l'idée c'est de se faire respecter sans crier, comme ça le jour où on crie pour de vrai, les élèves sentent qu'il se passe un truc pas cool et ils n'osent pas broncher :-)<br /> <br /> - je suis persuadée que l'ambiance de la classe (calme, détendue, sérieuse, ou au contraire sur les nerfs, stressée...) est le reflet du comportement du maître. J'en ai fait l'expérience lors de mes différents remplacements. J'ai vu un maître de PS-MS par exemple hyper zen, tout est cool, tout est tranquille, on prend le temps, et ben c'est fout comme les enfants étaient détendus et sages dans cette classe ! <br /> <br /> - et puis surtout, pour dire si on "gère" la classe ou pas, il faut en avoir une "à soi", rien qu'à soi, depuis le début de l'année. J'ai pu expérimenté ça cette année, et en fait ça change tout. C'est toi qui construit ta classe, les règles, les modalités de travail, les activités ... et très vite les élèves comprennent ta façon de travailler. Ce qui est beaucoup plus difficile quand on remplace ou quand on complète quelqu'un.
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