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31 janvier 2012

Indéchiffrable

Je me demande ce que devient Corentin, croisé l'année dernière dans un CE1 où je remplaçais. A la fin de l'année, Corentin ne savait toujours pas lire : il arrivait à peine à déchiffrer des syllabes simples, confondait très largement les sons complexes et inversait régulièrement l'ordre des lettres.

Dyslexique, disaient les parents. Fou, disait la psy scolaire. Dont les parents disaient qu'elle n'y comprenait rien.

Moi, évidemment, je ne disais rien ; je ne vois pas comment j'aurais pu avoir un avis sur ce petit garçon déroutant, parfois replié dans son monde, parfois très agressif avec les autres enfants, mais qui participait souvent à la classe. Et qui nous avait même "lu" (en fait, récité) un livre apporté de chez lui, au moment d'un rituel de lecture de la classe, en se portant volontaire à ma grande surprise.

Je me suis peu occupée de lui en lecture : l'enseignante du RASED et l'AVS s'en chargeaient. Peut-être que j'ai eu tort d'ailleurs. Mais les rares fois où il essayait de lire avec moi, j'étais désarmée par cette espèce de mur qu'il mettait entre les mots et lui, par sa fuite. J'ai été patiente, je l'ai encouragé, mais combien étions-nous à l'avoir fait ? Et pourquoi est-ce que j'y arriverais quand tout le monde avait échoué ?

Dyslexique, peut-être. Mais quand même, son regard, le regard de son père, leur dureté ; est-ce qu'ils n'étaient pas un peu fous aussi ? Ou est-ce que le père en voulait simplement à l'école de faire souffrir son fils après l'avoir fait souffrir lui - lui qui avait eu les mêmes difficultés au même âge, puis qui les avaient brusquement surmontées à la fin de l'école primaire, et avait ensuite fait des études brillantes ?

Sa mère, elle, avait l'air tellement inquiète, à la fois pour son fils et son mari. J'avais l'impression qu'elle pensait que tout était de sa faute. Et qu'en plus elle s'en voulait de ne pas comprendre ce qui se passait. Elle avait l'air d'avoir besoin de douceur, de caresses sur la joue, et pourtant elle encaissait sans broncher, elle faisait laborieusement lire Corentin à la maison, elle l'emmenait voir des spécialistes.

Est-ce que Corentin a fini par lire, cette année ? Ou est-ce qu'il s'est enfoncé encore plus loin dans sa carapace ? Est-ce qu'il avait vraiment quelque chose de douloureux à cacher derrière ces difficultés en lecture, ou est-ce que c'était simplement l'école qui avait fabriqué son mal-être ?

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