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6 avril 2015

Les moments parfaits

rascal-aumonde

La vie en ce moment, c'est comme quand on se réveille un peu ensuqué, et qu'en petit-déjeûnant on pense à la douche qu'on prendra ensuite. On sent déjà l'eau chaude, l'odeur du savon. La lumière sur le carrelage qui a de jolies couleurs, et la serviette éponge qui aura chauffé sur le radiateur. 

Quand la table est débarrassée, on entre dans la baignoire et l'eau presque brûlante arrive tout de suite. On ne pense plus à grand chose d'autre qu'à la vapeur qui monte, le savon glisse sur la peau, il s'agit juste de ne pas laisser trop longtemps le jet au même endroit, sinon l'eau est si chaude que ça deviendrait désagréable. Au bout d'un long moment, on commence à avoir envie d'être au sec, et en plus c'est la bonne serviette, la plus épaisse de toutes, qui attend qu'on sorte.

Et quand on pose le pied sur le tapis de bain, on s'aperçoit qu'il est sale, couvert de poussière mouillée et de taches de dentifrice. On était propre, on sentait l'amande, et voilà qu'on a les pieds crasseux, et les yeux crasseux d'avoir vu nos pieds. Si on se sèche sur le carrelage, sans toucher ce foutu tapis, il fait froid, et puis ça ne doit pas être plus propre. Il faut s'essuyer vite, enfiler des chaussettes et s'enfuir, et ça ne servira à rien de garder le souvenir de ce moment qui aurait pu être parfait.

Il y a des débuts de moments parfaits. Des moments où ma peau sent quelque chose de doux, de lumineux. Et puis au moment où je pense "tiens c'est doux", la lumière s'éteint et il fait froid comme dans une cave. Il y a la petite, là-bas au fond, dans le noir. Elle est avec nous et déjà plus tout à fait. C'est évident qu'elle s'éloigne mais personne n'ose le dire. Si j'y pense, si je me dis : "elle va mourir", aussitôt j'ai envie de me giffler, parce que personne n'a encore dit qu'il n'y avait plus rien à faire. Hier je suis allée la voir, allongée et pâle et si jolie, si vivante de sa vie d'enfant. Je pensais aux tumeurs qui grossissaient à l'intérieur d'elle, et à nous tout autour, impuissants.

Je n'ai jamais rien vécu de plus triste, et pourtant je ne voudrais pas oublier l'image de cette enfant dormant sur le ventre de sa mère, sa mère perdue au-delà du chagrin mais qui souriait de sentir, sur elle, son petit bout de fille respirer doucement.

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