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30 septembre 2014

La vie mode d'emploi - 1

cafetiereBialetti(je crève d'envie d'écrire "#1" dans le titre, comme les blogueuses qui ont des TGV entiers de lecteurs, mais JE RESISTE et je PROUVE QUE j'EXIIIISTE)

Dans la vie, je suis du genre morose qui tache. Le genre de fille qui parle de ses élèves à la boulangère ou qui est capable de pleurer trois fois dans un week-end sans savoir exactement pourquoi. J'explique régulièrement à mon prochain - qui n'avait rien demandé - pourquoi c'est trop dur d'avoir des enfants, ou d'être instit, ou d'être fille unique, ou d'avoir des bottines à talons.

Mais comme j'ai parfois des éclairs de lucidité sur la position de mon cul, à savoir qu'il est entouré d'un sacré paquet de nouilles, il m'arrive de réaliser à quel point j'aime une chose précise, un petit morceau de vie que je devrai abandonner dans 80 ans et qui méritera que je le regrette, ou bien qui méritera que je l'abandonne en me souvenant à quel point il a été joli.

En premier lieu et parce que c'est un objet du matin : la cafetière italienne. La toute petite Bialetti en aluminium, le culot un peu noirci par le gaz et qui ne manquera pas de me filer un cancer des ongles de pieds (l'aluminium, c'est le mal, tous les poilus qui puent des bras parce qu'ils utilisent de la pierre d'alun comme déodorant vous le diront). Les matins où je pars travailler, je la remplis alors qu'il ne fait pas encore jour, l'eau, le café - trois cuillérées, sans tasser - puis visser, et mettre sur le plus petit feu pour ne pas faire brûler la queue. Ensuite ne pas s'éloigner trop parce que le café monte vite : on entend plof plof plof, il faut attendre encore et arrêter le gaz dès que le bruit diminue. Parfois c'est Pisderman qui éteint le gaz parce qu'il est en train de préparer le petit-déjeûner des filles juste à côté, parfois tout le monde oublie et le café bout façon lave en fusion mais tant pis, j'ai pas le temps d'en refaire un et puis ça brûle les doigts de dévisser le culot quand la cafetière vient de chauffer.

Je suis donc une esthète de la cafetière qui boit du café bouillu, c'est mon côté post-moderne.

Les matins où je travaille, donc, je verse toute la cafetière dans ma tasse isotherme d'instit qui se respecte (elle mériterait un billet, celle-là, tiens). Je visse bien fort pour être sûre de galérer dix bonnes minutes quand je voudrai la rouvrir en arrivant à l'école, et accesoirement pour éviter la loose suprème du matin : s'apercevoir dans l'escalier de l'immeuble que le truc mouillé et chaud sur mon flanc gauche correspond au contenu de la-dite tasse isotherme. Je mets la tasse dans mon sac en toile de fille qui a-un-petit-sac-à-main-pour-faire-classe mais qui ne sait pas voyager léger, et je pars me brosser les dents, ou faire une couette à MicroSidi, ou signer un cahier de liaison.

Les matins où je ne travaille pas, je vais d'abord poser les enfants à l'école, et je fais le café en rentrant. Il fait jour, je pense à la semaine de classe qu'il faut que je prépare, au marché qu'il ne faudra pas aller faire trop tard, je me demande si j'écrirai quelque chose, si j'écrirai enfin quelque chose puisque j'en ai tellement envie.

Parfois je vais allumer la radio au salon pendant que le café chauffe, et puis je le bois dans une toute petite tasse en verre transparent achetée il y a longtemps dans un vide-grenier. Moi qui n'achète jamais rien en dehors de boutiques suédoises ou recommandées par Télérama, j'aime particulièrement ces quatre tasses un peu rayées, que ma mère trouve trop petites mais qui justement me permettent de boire deux tasses de café avec ma cafetière minuscule.

Plus tard dans la journée, ou souvent le lendemain, je rince la cafetière au-dessus de l'évier, et je vide d'un coup sec le marc au-dessus de la poubelle. Chaque fois, je bénis cette cafetière de n'avoir besoin de rien d'autre que d'eau et de café moulu. Peut-être qu'un jour je deviendrai une aventurière, et qu'en parcourant le monde avec mes Pataugas et mon appareil photo, je sortirai chaque matin de mon sac à dos Quetchua une cafetière Bialetti et une tasse en verre transparent.

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Commentaires
R
Alors là, je dis Chapeau. Je suis béate d'admiration devant une personne qui arrive à se servir d'une cafetière comme celle-ci (ou aussi des cafetières en verre avec un piston dedans que j'ai jamais réussi à comprendre comment ça fonctionne ce truc ni quel nom ça peut bien porter). Non sérieux ! Parce que moi, j'ai essayé et tout ce que j'arrive à produire, c'est un truc imbuvable.<br /> <br /> Et sinon, je confirme : les bottines à talons, ça craint !
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